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Finance verte : « L’investissement à impact séduit en effet de plus en plus, mais suscite aussi de fortes réticences »

Depuis une quinzaine d’années, des fonds d’investissement proposent aux épargnants aisés des placements « à impact », susceptibles à la fois de leur rapporter de l’argent et de leur permettre d’agir positivement sur le monde grâce à leur fortune. Des plates-formes spécialisées, telles Lita ou Tudigo, sont apparues plus récemment pour démocratiser l’accès à ces investissements.
Des entreprises à l’origine d’applications bien connues, comme Yuka ou Too Good to Go, ont bénéficié, par exemple, de tels financements. On peut citer aussi des associations comme Emmaüs ou Habitat & Humanisme, qui ont attiré des investisseurs grâce à des foncières solidaires.
On estime aujourd’hui le montant global de ces investissements à impact à plus de 1 000 milliards de dollars (917 milliards d’euros) dans le monde, dont environ 15 milliards d’euros pour la France. Leur croissance est très rapide, mais leur part de marché peine encore à dépasser 1 ou 2 % des actifs sous gestion…
Si ce modèle hybride, à cheval entre investissement classique et philanthropie, séduit en effet de plus en plus, il suscite de fortes réticences chez certaines personnes, qui remettent en cause la possibilité même d’articuler deux logiques qui leur semblent contradictoires.
Pourquoi sont-ils aussi sceptiques, voire carrément hostiles, à ce nouveau modèle d’investissement à impact ? Nos recherches permettent de comprendre les croyances et les valeurs qui sous-tendent ces oppositions (Arthur Gautier, Anne-Claire Pache et Filipe Santos, « Making sense of hybrid practices : The role of individual adherence to institutional logics in impact investing », Organization Studies, n° 44/9, 2023).
Certains professionnels de la finance sont tout particulièrement rétifs à ces placements atypiques. La règle d’airain dans cet univers est d’investir en visant prioritairement le profit, avec comme seul autre élément pris en compte le niveau de risque.
Changer ces règles du jeu pour un modèle hybride, qui propose souvent un retour sur investissement limité et inférieur au marché, associé à des indicateurs d’impact social ou environnemental nombreux et peu standardisés, peut être très déstabilisant. En particulier pour des investisseurs chevronnés, qui ont intégré depuis des décennies la maximisation du « return on investment » dans tous leurs raisonnements financiers.
Pour eux, le débat ne porte pas seulement sur la définition de nouveaux indicateurs pertinents : l’idée même d’allier, dans un même geste, logique financière et logique sociale leur apparaît transgressive, comme si l’on perdait ainsi toute boussole.
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